Project Gutenberg's La Germanie, by Cornelius Tacitus and Henri Petitmangin This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org Title: La Germanie Texte latin avec introduction, notes et lexique des noms propres Author: Cornelius Tacitus Henri Petitmangin Release Date: September 21, 2013 [EBook #43789] Language: French Character set encoding: UTF-8 *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LA GERMANIE *** Produced by Laurent Vogel, Bibimbop, Juliet Sutherland and the Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net
— Note de transcription —
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Ce livre comporte une Table des matières ainsi qu’un Lexique.
Une traduction en français de la Germanie est aussi disponible auprès du Project Gutenberg, sous le numéro 19662.
TACITE
LA GERMANIE
PROPRIÉTÉ DE
J. de Gigord.
À LA MÊME LIBRAIRIE
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TACITE
TEXTE LATIN
AVEC INTRODUCTION, NOTES ET LEXIQUE DES NOMS PROPRES
PAR
M. L’ABBÉ PETITMANGIN
AGRÉGÉ DES LETTRES
PROFESSEUR AU COLLÈGE STANISLAS
TROISIÈME ÉDITION
PARIS
ANCIENNE LIBRAIRIE POUSSIELGUE
J. DE GIGORD, Éditeur
rue cassette, 15
1913
Nous avons bien peu de détails certains sur la vie de Tacite. Son prénom était-il Publius comme le témoigne un manuscrit des Annales ou Caius comme l’écrit Sidoine Apollinaire? Appartenait-il à la gens Cornelia? Son père était-il ce chevalier romain, procurateur de la Gaule Belgique, nommé dans une inscription et dont parle Pline l’Ancien? Autant de questions toujours renouvelées, jamais épuisées, auxquelles on ne pourra fournir aucune réponse certaine tant que de nouvelles découvertes n’apporteront pas des preuves indiscutables[1]. On admet cependant que Tacite est né en 54 ap. J.-C. ou 55 au plus tard. Mais on retombe dans l’incertitude, dès qu’on veut déterminer le lieu de sa naissance. Les habitants de Terni, l’ancienne Interamna, à peu de distance de Florence, le réclament pour compatriote; mais ce n’est pas fournir des arguments que de dresser des statues et l’on sait trop bien que cette tradition remonte à l’empereur Tacite (275–276 ap. J.-C.) qui naquit à Interamna et se fit passer pour le descendant de l’illustre historien. Cette parenté, même démontrée, ne pourrait être un argument incontestable en faveur des habitants de Terni, et il faut renoncer à disserter sur cette heureuse coïncidence qui aurait rapproché les berceaux de Tacite, de Michel-Ange et de Machiavel.
Que l’éducation de Tacite se soit faite à Rome, au milieu [6] des vices raffinés qui minaient la société, ou dans quelque province où les antiques traditions, mieux conservées, trempaient plus fortement les âmes, il est probable qu’en aucun cas il ne se laissa entamer par la corruption de son siècle. Il s’adonna d’abord à l’éloquence, qui, malgré l’établissement de l’Empire et la suppression des grands débats politiques, restait la base et presque l’unique objet des études pour les jeunes romains de bonne famille. La philosophie semble l’avoir moins attiré. Pline le Jeune, qui fut très lié avec lui, nous atteste ses succès oratoires et caractérise son éloquence d’un mot qui résume tout un côté du génie de Tacite: «Respondit Cornelius Tacitus eloquentissime et, quod eximium orationi ejus inest, σεμνῶς.» Nous connaissons d’ailleurs les idées de Tacite sur l’art oratoire par son premier ouvrage, le Dialogue des orateurs, dont l’authenticité a été contestée, mais à tort, semble-t-il. Ses préférences vont à Cicéron, qu’il se propose d’imiter, mais le style de ce dialogue, quoique différent, à la vérité, de la vraie manière de Tacite telle que nous la révèlent les Annales et les Histoires, nous fait sentir déjà que le temps des larges et symétriques périodes est passé.
Cependant Tacite ne se confinait pas dans les déclamations d’école et les débats judiciaires. Successivement questeur sous Vespasien, édile ou tribun du peuple sous Titus, préteur sous Domitien, il parvint au consulat sous le règne de Nerva en 97. Il eut alors à prononcer l’éloge de Verginius Rufus, mort simple citoyen après avoir refusé l’empire. Ce fut probablement dans l’année qui suivit son consulat qu’il écrivit l’Agricola. Il retraçait, en phrases émues, éloquentes, et semées de mots profonds, la vie de son beau-père, qu’il représentait comme le type du fonctionnaire intègre et digne sous un gouvernement corrompu. Vers le même temps, entre 98 et 100, il publiait la Germanie.
Ces courts écrits, dans lesquels on sent le style si original de Tacite tendre de plus en plus à la brièveté et à la profondeur tout en s’animant d’une couleur poétique assez prononcée, conduisent insensiblement aux grands ouvrages de l’écrivain: les Annales et les Histoires. On ne saurait assez regretter que le temps ait creusé dans ces deux chefs-d’œuvre d’irréparables lacunes. Les Histoires publiées entre [7] 104 et 109 contenaient les règnes de Galba, Othon, Vitellius, Vespasien, Titus et Domitien, c’est-à-dire les faits contemporains de Tacite. Les Annales, qui durent paraître vers l’an 116, renfermaient la période de l’histoire romaine comprise entre la mort de l’empereur Auguste et le règne de Galba par lequel commencent les Histoires.
À partir de l’an 100, époque à laquelle il soutint, de concert avec son ami Pline le Jeune, le procès des Africains contre Marius Priscus, Tacite semble s’être retiré des affaires publiques pour s’adonner tout entier à la composition de ses grands ouvrages. Il vivait vraisemblablement encore à l’avènement d’Hadrien (117) et mourut probablement entre 117 et 120.
L’érudition allemande, qui s’est beaucoup occupée du court écrit de Tacite sur la Germanie, a soulevé une foule de questions sur le but, les sources, la date et le titre même de cet ouvrage. On a supposé que le titre authentique s’était perdu, avec une préface où Tacite rendait peut-être compte de l’idée qui avait inspiré son livre. Les différents titres que l’on propose sont fort incertains. On a à choisir entre: De origine et situ Germanorum (ou Germaniæ), De situ Germaniæ, De situ ac populis Germaniæ, De origine, situ, moribus ac populis Germanorum. Comme il n’y a presque pas de motif de préférence entre ces divers titres, on peut se contenter, comme Halm, d’écrire en tête du livre de Tacite: C. Taciti de Germania liber. On ne peut, en effet, sur ce point, accorder grande confiance aux manuscrits; ceux qui existent actuellement et dont les principaux sont le Vaticanus 1862 et 1518, le Leidensis, le Neapolitanus, ont été copiés par des humanistes de la Renaissance et reproduisent un manuscrit unique apporté d’Allemagne en Italie et aujourd’hui perdu.
La date de la composition de la Germanie est assez facile à déterminer. Tacite nous dit (§ 37) que, depuis la première invasion des Cimbres (an de Rome 641) jusqu’au second consulat de Trajan (851), il s’est écoulé 210 ans. On peut en conclure [8] que si Tacite prend le second consulat de Trajan pour point de départ de son calcul, c’est parce que cet ouvrage fut composé à cette époque même ou du moins avant le troisième consulat, un peu avant ou un peu après l’arrivée de Trajan à Rome.
On s’est souvent demandé quel but s’est proposé Tacite en écrivant la Germanie. Comme on peut s’y attendre, toutes les solutions possibles ont été proposées. On a été jusqu’à soutenir que la Germanie était une sorte de dialogue, dans lequel Tacite avait voulu réunir les opinions des écrivains antérieurs sur la Germanie, en interrompant sans cesse cette relation pour compléter, confirmer et, plus souvent, infirmer leur témoignage. Sa méthode la plus ordinaire de contredire ses adversaires serait l’ironie. Méthode bien dangereuse, en vérité, puisqu’on a si souvent pris pour la pensée de Tacite ce qui en était exactement le contraire[2]. Le tort de la plupart des commentateurs qui ont voulu trancher nettement la question, a été, semble-t-il, de se montrer trop exclusifs et de ne pas assez distinguer, autour du but principal, quel qu’il soit d’ailleurs, l’existence incontestable d’intentions secondaires. Il est évident, par exemple, qu’on aurait tort de ne voir dans la Germanie qu’une sorte de roman où serait dépeint un certain idéal de bonheur, de vie simple et vertueuse. Cet ouvrage serait ainsi une réplique de la fiction de l’âge d’or, la scène étant transportée dans le lointain de l’espace au lieu d’être reculée dans le temps. Le romanesque que l’on croit découvrir dans certains passages ne doit pas faire illusion. Tacite, il est vrai, fait une description fantastique du culte mystérieux de la déesse Nerthus et nous montre une armée entière couverte de boucliers noirs; cela vient de ce que, trop grave pour inventer des fables, il est aussi trop consciencieux pour omettre les informations qu’il a recueillies. Dans [9] le second livre des Histoires nous trouvons sa profession de foi: «Je crois, dit-il, qu’il est contraire à la gravité de l’histoire de vouloir intéresser les lecteurs avec des fictions et des fables, mais je ne voudrais pas non plus enlever toute créance à des traditions généralement reçues.» D’ailleurs, comment expliquer, dans cette hypothèse, la présence de tant de détails géographiques? Pourquoi tant de précision dans la notation du caractère spécial de chaque peuplade? Et si Tacite a voulu vanter la vie simple et frugale, pourquoi insiste-t-il sur l’ivrognerie et l’entêtement de ces robustes Germains? Cependant on ne saurait nier que Tacite ait souvent embelli la vie de ces peuplades à demi sauvages et fait de leur ignorance des vertus réfléchies de philosophe.
La rhétorique, dont on sent parfois l’influence sur la composition de l’ouvrage, n’a pas peu contribué à lui donner ce faux air de roman utopique; mais plus sensible encore est l’influence des préoccupations du moment et ce n’est pas sans quelque apparence de raison qu’on a soutenu que Tacite avait voulu avant tout faire la satire des mœurs de son temps. On sait que Tacite n’est pas l’historien selon l’idée de Fénelon. Il est bien de son temps et de son pays, et dans le cœur de ce penseur profond bouillonne un ardent patriotisme. Tacite a étudié les vices de son siècle; il y a reconnu le signe d’une civilisation trop avancée qui court fatalement à la décadence. Pour lui, comme pour tous les Romains qui ont gardé l’amour et l’admiration du peuple roi, l’idéal est vers le passé; c’est le mos majorum qui a fait la grandeur de la République, c’est lui qui peut seul la sauver de la ruine. Aussi, sans être pour cela un révolutionnaire, il saisit avec empressement l’occasion qui lui est offerte d’opposer à la civilisation corrompue qui règne à Rome les rudes vertus des Barbares. À chaque instant la pensée de Tacite est reportée de l’objet de son étude vers l’état actuel de sa patrie. Si cette préoccupation l’a amené à forcer quelques traits, elle lui a fourni l’occasion de belles antithèses, dans lesquelles un peu d’affectation ne nuit pas à la profondeur de la pensée. Il serait exagéré cependant de considérer la Germanie comme une satire analogue aux ouvrages de nos philosophes du XVIIIe siècle qui prétendaient opposer aux vices et aux mensonges conventionnels de la société le bon sens et les vertus spontanées de [10] la nature inculte. Tacite s’est contenté de rappeler aux Romains que, chez ces prétendus barbares, les lois du mariage étaient sévèrement gardées, la corruption ne prêtait pas à rire, les testaments et les abus qu’ils provoquent étaient inconnus, les enfants n’étaient point abandonnés à des mercenaires, la douceur envers les esclaves était habituelle. Avant Tacite, Horace avait déjà usé de ce procédé en opposant aux mœurs des Romains les vertus des Gètes et des Scythes (Odes, III, 24), et l’on a pu relever des tendances analogues chez Valérius Flaccus qui publia son ouvrage environ trente ans avant l’apparition de la Germanie.
La Germanie serait-elle donc plutôt une brochure politique analogue aux monographies qui paraissent aujourd’hui à propos des questions brûlantes de la politique extérieure? Les partisans de cette opinion avouent toutefois que la Germanie n’a pas été improvisée comme le sont la plupart des écrits de ce genre, mais composée d’après des notes dès longtemps recueillies. Cette intention politique est loin d’être aussi évidente qu’on l’a prétendu, puisque les défenseurs de cette opinion soutiennent, les uns, que Tacite a voulu détourner Trajan de faire la guerre à des gens si vertueux et si forts, les autres qu’il a simplement voulu soutenir sa politique. L’empereur en effet, appelé au trône pendant qu’il se trouvait en Germanie, y resta longtemps pour consolider la frontière. On désirait le revoir à Rome; de là, chez Tacite, le désir d’expliquer l’absence de Trajan en montrant la nécessité de tenir en respect les Barbares. Si telle était l’idée de Tacite, non seulement elle devrait s’exprimer nettement dans quelque endroit de l’ouvrage, mais on devrait la deviner présente partout; or rien ne serait plus difficile à prouver. En effet, quiconque lira la Germanie sans idée préconçue aura l’impression d’un ouvrage scientifique. C’est l’avis de Mommsen: «Tout cet écrit, dit-il, fait l’effet d’être simplement géographique.»
On s’est appuyé sur cette constatation pour soutenir que la Germanie était un livre détaché des grands ouvrages. Il aurait survécu à la perte d’une partie considérable des Annales et des Histoires, parce qu’il aurait été de bonne heure remarqué et copié à part par des moines allemands du moyen âge. On a été jusqu’à lui fixer sa place dans les Histoires [11] à l’endroit où Tacite devait parler de la grande coalition des Sarmates et des Suèves. Selon d’autres, la Germanie aurait été en effet, d’abord, destinée à prendre place dans les Annales ou les Histoires, mais elle en aurait été séparée par Tacite lui-même et publiée à part.
Cette opinion, quelque vraisemblable qu’elle puisse paraître, n’est pas concluante. Si l’on se rappelle que le Dialogue des orateurs est un ouvrage de rhétorique où les souvenirs d’école et le désir d’imiter les périodes cicéroniennes sont si apparents, que l’Agricola garde une parenté évidente avec les panégyriques depuis si longtemps à la mode, que la Germanie elle-même fourmille de pointes, de réticences calculées et d’effets de style, on est tenté de regarder cet ouvrage comme un essai, où Tacite a voulu former son style et se faire la main pour aborder les grands ouvrages qu’il méditait. Ceci n’est pas pour en diminuer la valeur: au contraire. Tacite a dû y apporter tous ses soins; il a dû à cette occasion consulter de nombreux ouvrages, non seulement pour assembler des matériaux, mais pour s’inspirer des meilleurs modèles. Nous le voyons commencer à la manière de César et terminer par une imitation de Salluste. Sans doute, le procédé est encore sensible dans la Germanie, mais, en somme, c’est l’œuvre soignée d’un homme déjà maître de son talent, qui, en exerçant sa sagacité d’historien et son originalité de styliste, se prépare à la composition de chefs-d’œuvre immortels.
On s’explique pourquoi la Germanie lui a paru le sujet le plus intéressant. La question germanique était à l’ordre du jour. Depuis que César avait franchi le Rhin, les Germains n’avaient pas cessé d’être mêlés aux affaires de Rome, comme ennemis ou comme alliés. À César même ils avaient fourni, dans sa guerre contre les Gaulois, d’excellents cavaliers. Ils avaient tenu en échec la puissance d’Auguste. Sous ses successeurs, ils avaient continué à inquiéter la frontière et on n’avait jamais pu les considérer comme définitivement soumis de la même façon que les Gaulois. Tacite avoue qu’ils avaient fourni aux généraux plutôt des occasions de triomphe que de véritables victoires. Tout le monde sentait vaguement, et Tacite sans doute mieux que personne, que le danger viendrait du Nord et que, si une invasion des [12] Cimbres et des Teutons se renouvelait, on trouverait difficilement un nouveau Marius et des légions semblables aux vainqueurs de Verceil. Ajoutez à cela la curiosité qui porte les civilisations raffinées vers l’étude des populations encore voisines de la barbarie. Le succès de la littérature exotique de nos jours ne s’explique pas autrement. Or, à l’époque de Tacite, l’Orient, souvent décrit, était trop connu; la Germanie et les pays du Nord, du côté des mers mystérieuses et des nuits de plusieurs mois, devaient intéresser davantage. Ces récits sur des peuples lointains remplaçaient dans la curiosité des lecteurs les légendes mythologiques auxquelles on ne croyait plus. Le livre de Tacite répondait à ce besoin; il avait l’exactitude d’une sérieuse étude géographique et l’intérêt d’un roman. Tacite reconnaît dans ses Annales que les récits de ce genre sont les plus propres à piquer la curiosité du lecteur.
Au reste, quoi qu’il en soit du but de Tacite dans la composition de la Germanie, on s’accorde à reconnaître que ce livre renferme un grand nombre de faits exacts, intéressants, puisés aux meilleures sources. Ici une question se pose: Tacite parle-t-il de choses qu’il a vues lui-même? A-t-il visité la Germanie? On sait, par le témoignage de l’écrivain lui-même dans l’Agricola, qu’il fut absent de Rome à partir de 89 pendant quatre ou peut-être sept ans. Quel fut le motif de cette absence? On a prétendu que ce ne pouvait être l’exil ni une retraite volontaire, qu’il s’agissait donc d’une mission assez lointaine, peut-être du commandement d’une légion sur le Rhin. Malheureusement on ne peut fournir aucune preuve à l’appui de cette assertion. Il est vrai que Tacite, par la vivacité de son style, semble peindre des choses qu’il a vues lui-même, mais on ne peut rien conclure de cette observation puisqu’il parle de la même manière de certaines contrées qu’il n’a certainement jamais visitées.
Si Tacite n’est pas un témoin oculaire, on peut être du moins certain qu’il n’a négligé aucun moyen d’information. Il a naturellement consulté les écrivains qui s’étaient occupés avant lui de la Germanie. Beaucoup de ces ouvrages étant perdus pour nous, nous ne pouvons savoir au juste dans quelle mesure Tacite s’est inspiré de ses devanciers. Ses principales sources paraissent avoir été César, Mela, Pline et [13] peut-être Salluste. Le rapprochement n’est possible qu’avec César dont nous possédons les œuvres. César avait souvent eu l’occasion, dans sa guerre des Gaules, de connaître les Germains, mais il s’était contenté de leur consacrer quelques chapitres de ses Commentaires. Tacite est donc plus explicite, mais il n’est jamais en contradiction avec celui qu’il appelle summus auctorum.
Bien qu’il soit impossible de déterminer exactement ce que Tacite a ajouté aux connaissances déjà consignées par les écrivains antérieurs, on ne peut douter qu’il ait contrôlé avec soin leurs affirmations et recueilli tous les renseignements oraux de nature à rendre son étude plus neuve, plus complète et plus intéressante. Or il était facile de recueillir sur la Germanie une foule de détails offrant toutes les garanties de certitude désirables. Si Tacite n’a pas été chargé personnellement de quelque mission sur les bords du Rhin, il a eu souvent l’occasion d’interroger les soldats qui avaient pris part aux guerres de Germanie. En outre, le commerce amenait des Germains à Rome, et les marchands italiens parcouraient des pays du nord où les aigles romaines ne s’étaient pas encore montrées. Il est probable que le commerce du succin attira des commerçants jusqu’en Suède. Si toutefois les indications géographiques de Tacite restent bien inférieures à ses descriptions ethnographiques, on ne peut s’en étonner; les anciens n’ont jamais pu arriver, en géographie, qu’à des connaissances approximatives, faute des instruments nécessaires à cette science. Au reste, peu nous importent aujourd’hui les erreurs de ce genre; ce sont les détails de mœurs qui offrent, pour les modernes, le plus haut intérêt. Les grandes invasions qui ont bouleversé la meilleure partie de l’Europe quelques siècles après l’ère chrétienne, ont établi dans les mœurs et dans les institutions des territoires envahis un grand nombre de coutumes d’abord propres aux peuplades de la Germanie. Montesquieu a dit: «Il est impossible d’entrer un peu avant dans notre droit politique si l’on ne connaît parfaitement les lois et les mœurs des peuples germains.» On peut voir, dans le premier livre de l’Histoire de la littérature anglaise, quel usage Taine a su faire de l’ouvrage de Tacite pour marquer les traits caractéristiques de la race anglo-saxonne.
[14] Il est à regretter cependant que Tacite n’ait pas assez compris l’importance des langues pour le classement des peuples, que le peu de détails qu’il donne sur la religion des Germains soit gâté par l’habitude d’identifier les dieux de tous les peuples aux habitants de l’Olympe gréco-romain, mais on ne peut raisonnablement exiger de Tacite des méthodes et des connaissances qui furent complètement étrangères à son époque. Tel qu’il est, ce livre de la Germanie si court et si substantiel mérite l’éloge qu’en fait Montesquieu dans l’Esprit des lois: «Tacite a fait un ouvrage exprès sur les mœurs des Germains; il est court, mais c’est l’ouvrage de Tacite qui abrégeait tout parce qu’il voyait tout.»
La Germanie a été composée avec beaucoup de soin; la facilité avec laquelle Tacite passe d’un sujet à l’autre en suivant l’enchaînement naturel des idées, masque habilement un plan très bien agencé. Le livre se divise naturellement en deux parties: une partie générale consacrée aux renseignements géographiques, aux mœurs et institutions communes à tous les Germains, et une partie spéciale dans laquelle sont décrites à part toutes les peuplades de la Germanie, chacune avec les traits qui la distinguent des tribus voisines.
1. Position et géographie physique de la Germanie. 2. Origine des anciens peuples de la Germanie et légendes qui s’y rapportent. 3. Suite des traditions antiques, le Bardit. 4. Pureté de la race; le physique des Germains. 5. Productions du sol; mépris de l’or et de l’argent.
6. Armement des Germains. Cavalerie et infanterie. Punition des lâches. 7. Autorité des rois et des chefs. Rôle des [15] prêtres. Courage des femmes germaines. 8. Vénération pour les femmes. Veleda. Albruna. 9. Religion des Germains. Leurs divinités. 10. Différentes manières de tirer des augures. 11. Assemblées publiques. Délibérations. 12. La justice rendue dans les assemblées. Tribunaux organisés pour les cantons. 13. Émancipation du jeune homme, organisation militaire. 14. Obligations des chefs de guerre et de leurs compagnons. 15. Manière de vivre pendant la paix. Cadeaux faits aux chefs.
16. Les habitations. 17. Les vêtements. 18. Respect du mariage. Les présents, symboles des devoirs des époux. 19. Châtiment de l’inconduite. Pureté des mœurs. 20. Éducation des enfants. Parentés. Successions. 21. Haines héréditaires. Compensation de l’homicide. Hospitalité. 22. Défauts des Germains. Ivresse. Brutalité. Affaires traitées pendant et après les festins. 23. Boisson fermentée. Nourriture simple et frugale. 24. Amusements. Danse des armes. Passion du jeu. 25. Rôle et condition des esclaves et des affranchis. 26. Ignorance de l’usure. Partage des terres. 27. Funérailles.
28. Les Gaulois qui se sont établis en Germanie: Helvètes, Boïens, Aravisques, Oses. Germains établis sur la rive gauche du Rhin: Trévires, Nerviens, Vangions, Triboques, Ubiens. 29. Bataves. Mattiaques. Champs décumates. 30. Les Chattes, peuple guerrier et discipliné. 31. Coutumes guerrières, aspect effrayant des Chattes. 32. Les Usipiens; les Tenctères, excellents cavaliers. 33. Les Bructères; ils sont chassés par les Chamaves et les Angrivariens. Pressentiments de Tacite. 34. Les Dulgubniens, les Chasuares, les Frisons. 35. Les Chauques, le plus noble peuple de Germanie. 36. Les Chérusques, vaincus par les Chattes. Leur défaite entraîne celle des Foses. 37. Les Cimbres; rapide esquisse des guerres de Germanie. 38. Les Suèves: usages spéciaux. 39. Les Semnons; leur bois sacré. 40. Les Langobards, les Reudignes, etc. Culte de la déesse Nerthus. 41. Les Hermondures. Relations commerciales [16] avec les Romains. 42. Les Naristes, les Marcomans, les Quades. 43. Les Marsignes, les Cotins, les Oses, les Bures. La Suévie traversée par une chaîne de montagne. Les Tugiens. Aspect terrifiant des Hariens. 44. Les Suiones, navigateurs. Gouvernement royal. Les Sitones gouvernés par une femme. 45. La mer dormante. Les Æstiens. Commerce du succin. 46. Les Peucins, les Venèdes, les Fennes. Légendes sur des peuples fabuleux.
CORNELII TACITI
1. Germania omnis[1] a Gallis Rætisque et Pannoniis[2] Rheno et Danuvio fluminibus, a Sarmatis Dacisque mutuo metu aut montibus[3] separatur: cetera Oceanus[4] ambit, latos sinus et insularum immensa[5] spatia complectens, [18] nuper cognitis[6] quibusdam gentibus ac regibus, quos bellum aperuit. Rhenus, Ræticarum Alpium inaccesso ac præcipiti vertice[7] ortus, modico flexu[8] in occidentem versus septentrionali Oceano miscetur. Danuvius, molli et clementer edito[9] montis Abnobæ jugo effusus, plures populos adit, donec[10] in Ponticum mare sex meatibus[11] erumpat: septimum[12] os paludibus hauritur.
2. Ipsos[1] Germanos indigenas crediderim[2] minimeque [19] aliarum gentium adventibus[3] et hospitiis mixtos, quia nec terra olim, sed classibus advehebantur qui mutare sedes quærebant[4], et immensus ultra[5] utque sic dixerim adversus[6] Oceanus raris ab orbe nostro navibus aditur. Quis porro[7], præter periculum horridi et ignoti maris, Asia aut Africa aut Italia relicta, Germaniam peteret[8], informem terris, asperam cælo, tristem cultu aspectuque[9], nisi si patria sit? Celebrant carminibus antiquis, quod[10] [20] unum apud illos memoriæ et annalium genus est, Tuistonem[11] deum terra editum et filium Mannum originem gentis conditoresque[12]. Manno tres filios assignant, e quorum nominibus proximi Oceano Ingævones, medii Herminones, ceteri Istævones vocentur[13]. Quidam[14], ut[15] in licentia vetustatis, plures deo ortos pluresque gentis appellationes, Marsos, Gambrivios, Suevos, Vandilios affirmant, eaque vera et antiqua nomina. Ceterum Germaniæ vocabulum recens et nuper additum[16], quoniam qui primi Rhenum transgressi Gallos expulerint ac nunc Tungri[17], tunc Germani vocati sint: ita, nationis nomen, non gentis[18], evaluisse paulatim, ut omnes primum a victore ob metum, mox[19] etiam a se ipsis invento nomine Germani vocarentur[20].
[21] 3. Fuisse apud eos et Herculem memorant[1], primumque omnium virorum fortium ituri in prœlia canunt. Sunt illis hæc[2] quoque carmina, quorum relatu[3], quem barditum[4] vocant, accendunt animos futuræque pugnæ fortunam ipso cantu augurantur: terrent enim trepidantve, prout sonuit[5] acies, nec tam vocis ille quam virtutis concentus videtur. Affectatur præcipue asperitas soni et fractum murmur[6], objectis ad os scutis, quo[7] plenior et gravior vox repercussu intumescat. Ceterum[8] et Ulixen[9] quidam opinantur longo illo[10] et fabuloso errore in hunc Oceanum delatum adisse Germaniæ terras, Asciburgiumque, quod in ripa Rheni situm hodieque[11] incolitur, ab illo constitutum nominatumque[12]; aram [22] quin etiam[13] Ulixi[14] consecratam, adjecto Laertæ patris nomine, eodem loco olim repertam, monumentaque et tumulos[15] quosdam Græcis litteris inscriptos in confinio Germaniæ Rætiæque adhuc exstare. Quæ neque confirmare argumentis neque refellere in animo est[16]: ex ingenio suo quisque demat vel addat fidem[17].
4. Ipse eorum opinionibus[1] accedo, qui Germaniæ populos nullis[2] aliarum nationum conubiis infectos[3] propriam et sinceram et tantum sui similem gentem exstitisse [23] arbitrantur. Unde habitus[4] quoque corporum, quanquam in tanto hominum numero, idem omnibus: truces et cærulei oculi, rutilæ comæ, magna corpora et tantum ad impetum[5] valida; laboris atque operum[6] non eadem[7] patientia, minimeque sitim æstumque tolerare, frigora atque inediam cælo solove[8] assueverunt.
5. Terra etsi aliquanto[1] specie differt, in universum[2] tamen aut silvis horrida aut paludibus fœda, humidior, qua Gallias, ventosior qua Noricum ac Pannoniam aspicit; satis[3] ferax, frugiferarum arborum impatiens, pecorum[4] fecunda, sed plerumque improcera[5]. Ne armentis [24] quidem suus[6] honor aut gloria frontis: numero gaudent, eæque solæ et gratissimæ opes sunt. Argentum et aurum propitiine an irati dii negaverint dubito[7]; nec tamen affirmaverim[8] nullam Germaniæ venam argentum aurumve gignere: quis enim scrutatus est[9]? Possessione et usu haud perinde[10] afficiuntur. Est videre[11] apud illos argentea vasa, legatis et principibus eorum muneri data, non in alia[12] vilitate quam quæ humo finguntur; quanquam[13] [25] proximi ob usum commerciorum aurum et argentum in pretio habent[14] formasque quasdam nostræ pecuniæ[15] agnoscunt atque eligunt; interiores simplicius et antiquius permutatione mercium utuntur. Pecuniam probant veterem et diu notam[16], serratos bigatosque; argentum quoque magis quam aurum sequuntur, nulla affectione animi[17], sed quia numerus argenteorum facilior usui est promiscua ac vilia mercantibus.
6. Ne ferrum quidem superest[1], sicut ex genere telorum colligitur. Rari[2] gladiis aut majoribus lanceis utuntur: hastas vel ipsorum vocabulo frameas gerunt, angusto et brevi ferro[3], sed ita acri et ad usum habili, ut eodem telo, prout ratio poscit, vel cominus vel eminus pugnent. Et eques quidem scuto frameaque contentus est; pedites et missilia[4] [26] spargunt, plura singuli, atque in immensum[5] vibrant, nudi aut sagulo leves[6]. Nulla cultus[7] jactatio; scuta tantum lætissimis coloribus[8] distinguunt. Paucis loricæ, vix uni alterive cassis aut galea[9]. Equi non forma, non velocitate conspicui; sed nec variare gyros[10] in morem nostrum docentur: in rectum aut uno flexu dextros agunt, ita conjuncto orbe[11] ut nemo posterior sit. In universum æstimanti[12] plus penes peditem roboris; eoque[13] mixti prœliantur, apta et congruente ad equestrem pugnam velocitate[14] peditum, quos ex omni juventute delectos ante aciem locant. Definitur et numerus: centeni ex singulis pagis sunt, idque ipsum inter suos vocantur[15], et quod primo numerus fuit, jam nomen et [27] honor est. Acies per cuneos[16] componitur. Cedere loco, dummodo rursus instes, consilii quam[17] formidinis arbitrantur. Corpora suorum etiam in dubiis prœliis referunt. Scutum reliquisse præcipuum[18] flagitium, nec aut sacris adesse aut concilium inire ignominioso fas; multique superstites bellorum infamiam laqueo finierunt[19].
7. Reges ex[1] nobilitate, duces ex virtute sumunt. Nec regibus infinita aut libera[2] potestas, et duces exemplo potius quam imperio, si prompti, si conspicui, si ante aciem agant, admiratione præsunt[3]. Ceterum neque animadvertere[4] neque vincire, ne verberare quidem nisi sacerdotibus [28] permissum, non quasi[5] in pœnam nec ducis jussu, sed velut deo imperante, quem adesse bellantibus credunt. Effigiesque et signa[6] quædam detracta lucis in prœlium ferunt. Quodque[7] præcipuum fortitudinis incitamentum est, non casus nec fortuita conglobatio[8] turmam aut cuneum[9] facit, sed familiæ et propinquitates; et in proximo pignora[10], unde feminarum ululatus audiri[11], unde vagitus infantium. Hi cuique sanctissimi testes, hi maximi laudatores: ad matres, ad conjuges vulnera ferunt[12]; nec illæ numerare aut exigere plagas [29] pavent, cibosque et hortamina[13] pugnantibus gestant.
8. Memoriæ proditur quasdam acies inclinatas jam et labantes[1] a feminis restitutas constantia precum et objectu pectorum[2] et monstrata cominus[3] captivitate, quam longe impatientius feminarum suarum nomine[4] timent, adeo ut[5] efficacius obligentur animi civitatum quibus inter obsides puellæ quoque nobiles imperantur[6]. Inesse quin etiam sanctum aliquid et providum[7] putant, nec aut consilia earum aspernantur aut responsa negligunt. Vidimus[8] sub divo Vespasiano Veledam diu apud plerosque[9] [30] numinis loco habitam; sed et olim Albrunam et complures alias venerati sunt, non adulatione nec tanquam[10] facerent deas.
9. Deorum maxime Mercurium[1] colunt, cui certis diebus humanis quoque hostiis[2] litare fas habent. Herculem ac Martem[3] concessis animalibus[4] placant. Pars Sueborum et Isidi[5] sacrificat: unde causa et origo peregrino sacro[6], parum comperi, nisi quod signum ipsum in modum liburnæ figuratum docet advectam religionem[7]. [31] Ceterum nec cohibere parietibus deos neque in ullam humani oris speciem assimulare ex[8] magnitudine cælestium arbitrantur: lucos ac nemora[9] consecrant deorumque nominibus appellant secretum illud[10], quod sola reverentia vident.
10. Auspicia sortesque[1] ut qui maxime[2] observant. Sortium consuetudo simplex: virgam frugiferæ[3] arbori decisam in surculos amputant eosque notis quibusdam discretos super candidam vestem temere ac fortuito spargunt. [32] Mox[4], si publice consultetur, sacerdos civitatis, sin privatim, ipse pater familiæ, precatus deos cælumque suspiciens ter singulos[5] tollit, sublatos secundum impressam ante notam interpretatur. Si prohibuerunt[6], nulla de eadem re in eumdem diem[7] consultatio; sin permissum, auspiciorum adhuc[8] fides exigitur. Et illud quidem etiam hic notum, avium voces volatusque interrogare: proprium gentis[9] equorum quoque præsagia ac monitus experiri. Publice aluntur iisdem nemoribus[10] ac lucis, candidi et nullo[11] mortali opere contacti; quos pressos [33] sacro curru[12] sacerdos ac rex vel princeps[13] civitatis comitantur hinnitusque ac fremitus observant. Nec ulli auspicio major fides, non solum apud plebem, sed apud proceres; sacerdotes enim ministros deorum, illos[14] conscios putant. Est et[15] alia observatio auspiciorum, qua gravium bellorum eventus explorant. Ejus gentis, cum qua bellum est, captivum quoquo modo[16] interceptum cum electo popularium suorum, patriis quemque armis, committunt: victoria hujus vel illius pro præjudicio[17] accipitur.
11. De minoribus[1] rebus principes consultant, de majoribus omnes, ita tamen, ut ea quoque, quorum penes plebem arbitrium est, apud principes pertractentur[2]. Coeunt, nisi quid fortuitum et subitum incidit, certis diebus[3], cum aut inchoatur luna aut impletur[4]; nam agendis rebus hoc auspicatissimum initium credunt. Nec [34] dierum numerum, ut nos, sed noctium[5] computant. Sic constituunt, sic condicunt[6]; nox ducere[7] diem videtur. Illud[8] ex libertate vitium, quod non simul nec ut jussi conveniunt, sed et alter[9] et tertius dies cunctatione coeuntium absumitur. Ut turbæ placuit[10], considunt armati. Silentium per sacerdotes, quibus tum et coercendi jus est, imperatur. Mox rex vel princeps, prout[11] ætas cuique, prout nobilitas, prout decus bellorum, prout facundia est, audiuntur, auctoritate suadendi magis quam jubendi potestate. Si displicuit sententia, fremitu[12] aspernantur; sin placuit, frameas concutiunt: honoratissimum assensus genus est armis laudare.
[35] 12. Licet apud concilium[1] accusare quoque et discrimen capitis intendere. Distinctio pœnarum ex[2] delicto: proditores et transfugas[3] arboribus suspendunt, ignavos et imbelles et corpore infames[4] cæno ac palude, injecta insuper crate, mergunt. Diversitas supplicii illuc respicit[5], tanquam scelera ostendi opporteat, dum puniuntur, flagitia abscondi. Sed et levioribus delictis pro modo[6] pœna: equorum pecorumque numero convicti multantur. Pars multæ regi vel civitati[7], pars ipsi, qui vindicatur, vel propinquis ejus exsolvitur.
Eliguntur in iisdem conciliis et principes, qui jura per pagos vicosque[8] reddunt. Centeni singulis ex plebe comites[9] consilium simul et auctoritas adsunt.
13. Nihil autem neque publicæ neque privatæ rei[1] nisi [36] armati agunt. Sed arma sumere non ante cuiquam moris,[2] quam civitas suffecturum[3] probaverit. Tum in ipso concilio vel principum aliquis vel pater vel propinqui scuto frameaque juvenem ornant. Hæc[4] apud illos toga, hic primus juventæ honos; ante hoc domus pars videntur, mox reipublicæ. Insignis nobilitas aut magna patrum merita principis dignationem[5] etiam adolescentulis assignant; ceteris robustioribus ac jam pridem probatis aggregantur, nec rubor[6] inter comites[7] adspici. Gradus [37] quin etiam ipse comitatus habet, judicio ejus quem sectantur; magnaque et comitum æmulatio[8], quibus primus apud principem suum locus, et principum, cui plurimi et acerrimi comites. Hæc[9] dignitas, hæ vires, magno semper electorum juvenum globo circumdari; in pace decus, in bello præsidium. Nec solum in sua gente cuique, sed apud finitimas quoque civitates id nomen, ea gloria[10] est, si numero ac virtute comitatus[11] emineat: expetuntur enim legationibus et muneribus ornantur, et ipsa[12] plerumque fama bella profligant.
14. Cum ventum in aciem, turpe principi virtute vinci, turpe comitatui virtutem principis non adæquare. Jam vero[1] infame in omnem vitam ac probrosum superstitem[2] principi suo ex acie recessisse: illum defendere, [38] tueri[3], sua quoque fortia facta gloriæ ejus assignare præcipuum sacramentum est; principes pro victoria pugnant, comites pro principe. Si civitas in qua orti sunt longa pace et otio torpeat[4], plerique nobilium adolescentium petunt ultro[5] eas nationes, quæ tum bellum aliquod gerunt, quia et ingrata[6] genti quies et facilius inter ancipitia[7] clarescunt magnumque comitatum non nisi vi belloque tueare[8]. Exigunt[9] enim principis sui liberalitate illum[10] bellatorem equum, illam cruentam victricemque frameam; nam[11] epulæ et quanquam incompti, largi tamen apparatus pro stipendio cedunt. Materia munificentiæ per bella et raptus. Nec arare terram, aut exspectare annum[12] tam facile persuaseris[13] quam vocare hostem et vulnera mereri. Pigrum quin imo et iners videtur sudore acquirere quod possis sanguine[14] parare.
[39] 15. Quoties bella non ineunt, non multum venatibus[1], plus per otium transigunt, dediti somno ciboque, fortissimus[2] quisque ac bellicosissimus nihil agens, delegata domus et penatium[3] et agrorum cura feminis senibusque et infirmissimo cuique ex familia: ipsi hebent, mira diversitate[4] naturæ, cum iidem homines sic ament inertiam et oderint quietem. Mos est[5] civitatibus ultro ac viritim conferre principibus vel armentorum[6] vel frugum, quod pro honore acceptum etiam necessitatibus subvenit. Gaudent præcipue finitimarum gentium donis, quæ non modo a singulis, sed et[7] publice mittuntur, electi equi, magna arma, phaleræ torquesque[8]. Jam et pecuniam accipere docuimus.
[40] 16. Nullas Germanorum populis[1] urbes habitari satis notum est, ne pati quidem inter se junctas sedes. Colunt discreti ac diversi[2], ut fons, ut campus, ut nemus placuit. Vicos locant non in[3] nostrum morem connexis et cohærentibus ædificiis: suam quisque domum spatio circumdat, sive adversus casus ignis remedium[4], sive inscitia ædificandi. Ne cæmentorum quidem apud illos aut tegularum usus: materia[5] ad omnia utuntur informi et citra[6] speciem aut delectationem. Quædam loca[7] diligentius illinunt terra ita pura ac splendente, ut picturam[8] [41] ac lineamenta colorum imitetur. Solent et[9] subterraneos specus aperire eosque multo insuper fimo onerant, suffugium[10] hiemis et receptaculum frugibus, quia rigorem frigorum ejusmodi loci molliunt, et si quando hostis advenit[11], aperta populatur, abdita autem et defossa aut ignorantur aut eo ipso fallunt, quod quærenda sunt[12].
17. Tegumen omnibus sagum[1] fibula aut, si desit, spina consertum: cetera intecti[2] totos dies juxta focum atque ignem agunt. Locupletissimi veste distinguuntur non fluitante[3], sicut Sarmatæ ac Parthi, sed stricta et singulos artus exprimente. Gerunt et ferarum pelles, proximi ripæ[4] negligenter, ulteriores exquisitius, ut quibus[5] nullus [42] per commercia cultus. Eligunt[6] feras et detracta velamina spargunt maculis pellibusque[7] belluarum, quas exterior Oceanus[8] atque ignotum mare gignit. Nec alius feminis quam viris habitus[9], nisi quod feminæ sæpius lineis amictibus velantur eosque purpura[10] variant, partemque vestitus superioris in manicas[11] non extendunt, nudæ brachia ac lacertos[12]; sed et[13] proxima pars pectoris patet.
18. Quanquam[1] severa illic matrimonia, nec ullam morum partem magis laudaveris. Nam prope soli barbarorum singulis[2] uxoribus contenti sunt, exceptis admodum paucis, qui non libidine[3], sed ob nobilitatem plurimis [43] nuptiis ambiuntur. Dotem non uxor marito, sed uxori maritus[4] offert. Intersunt parentes et propinqui ac munera probant, non ad delicias muliebres[5] quæsita nec quibus nova nupta comatur, sed boves et frenatum equum et scutum cum framea gladioque. In[6] hæc munera uxor accipitur, atque invicem ipsa armorum aliquid[7] viro affert. Hoc maximum vinculum, hæc arcana sacra, hos conjugales deos arbitrantur. Ne se mulier extra virtutum cogitationes extraque bellorum casus putet, ipsis incipientis matrimonii auspiciis admonetur venire se laborum periculorumque sociam, idem[8] in pace, idem in prœlio passuram ausuramque: hoc juncti boves, hoc paratus equus, hoc data arma denuntiant; sic vivendum[9], sic pereundum; accipere se quæ[10] liberis inviolata ac digna reddat, quæ nurus accipiant rursusque ad nepotes referantur.
19. Ergo sæpta pudicitia[1] agunt, nullis spectaculorum [44] illecebris, nullis conviviorum irritationibus corruptæ. Litterarum secreta[2] viri pariter ac feminæ ignorant. Paucissima in tam numerosa gente adulteria, quorum pœna præsens[3] et maritis permissa: accisis crinibus, nudatam coram propinquis expellit domo maritus ac per omnem vicum verbere agit. Publicatæ enim pudicitiæ[4] nulla venia: non forma, non ætate, non opibus maritum invenerit. Nemo enim illic vitia ridet, nec corrumpere et corrumpi sæculum[5] vocatur. Melius[6] quidem adhuc eæ civitates in quibus tantum virgines nubunt et cum spe votoque uxoris semel transigitur[7]. Sic unum accipiunt maritum quomodo unum corpus unamque vitam, ne ulla cogitatio ultra[8], ne longior cupiditas, ne tanquam maritum, sed tanquam matrimonium ament. Numerum liberorum finire[9] aut quemquam ex agnatis[10] necare flagitium[11] [45] habetur, plusque ibi boni mores valent quam alibi[12] bonæ leges.
20. In omni[1] domo nudi ac sordidi in hos artus[2], in hæc corpora, quæ miramur, excrescunt. Sua quemque mater uberibus alit, nec ancillis aut nutricibus[3] delegantur. Dominum ac servum nullis educationis deliciis[4] dignoscas; inter eadem pecora, in eadem humo degunt, donec ætas separet[5] ingenuos, virtus agnoscat. Sera juvenum venus, eoque inexhausta pubertas[6]. Nec virgines festinantur[7]; eadem juventa, similis proceritas: pares validæque[8] miscentur, ac robora parentum liberi referunt. Sororum filiis idem apud avunculum qui[9] ad patrem honor. Quidam sanctiorem arctioremque hunc nexum sanguinis arbitrantur et in accipiendis obsidibus magis exigunt[10], [46] tanquam[11] et animum firmius et domum latius teneant. Heredes tamen successoresque sui cuique liberi, et nullum testamentum[12]. Si liberi non sunt, proximus gradus in possessione[13] fratres, patrui, avunculi. Quanto plus propinquorum[14], quanto major affinium numerus, tanto gratiosior senectus; nec ulla orbitatis pretia.
21. Suscipere tam inimicitias seu patris seu propinqui quam amicitias necesse est[1]. Nec[2] implacabiles durant: luitur enim etiam homicidium certo armentorum ac pecorum numero[3] recipitque satisfactionem universa domus, utiliter in publicum[4], quia periculosiores sunt inimicitiæ juxta libertatem[5]. Convictibus et hospitiis[6] non alia gens [47] effusius indulget. Quemcumque mortalium arcere tecto nefas habetur; pro fortuna[7] quisque apparatis epulis excipit. Cum defecere[8], qui modo hospes fuerat, monstrator hospitii et comes; proximam domum non invitati adeunt. Nec interest: pari humanitate accipiuntur. Notum ignotumque quantum ad[9] jus hospitis nemo discernit. Abeunti, si quid poposcerit, concedere moris[10]; et poscendi invicem eadem facilitas. Gaudent muneribus, sed nec data imputant[11] nec acceptis obligantur: vinculum inter hospites comitas.
22. Statim e[1] somno, quem plerumque in diem[2] extrahunt, lavantur[3], sæpius calida, ut apud quos[4] plurimum [48] hiems occupat. Lauti cibum capiunt; separatæ singulis sedes[5] et sua cuique mensa. Tum ad negotia nec minus sæpe ad convivia procedunt armati. Diem noctemque[6] continuare potando nulli probrum. Crebræ, ut inter vinolentos[7], rixæ raro conviciis[8], sæpius cæde et vulneribus transiguntur. Sed et de reconciliandis invicem[9] inimicis et jungendis affinitatibus et adsciscendis principibus, de pace denique ac bello plerumque in conviviis consultant, tanquam[10] nullo magis tempore aut ad simplices[11] cogitationes pateat animus aut ad magnas incalescat. Gens non astuta nec callida aperit adhuc[12] secreta [49] pectoris licentia joci. Ergo detecta et nuda[13] omnium mens postera die retractatur[14], et salva utriusque temporis ratio est[15]: deliberant dum fingere nesciunt, constituunt dum errare non possunt.
23. Potui humor ex[1] hordeo aut frumento in quamdam similitudinem vini corruptus[2]; proximi ripæ[3] et vinum mercantur. Cibi simplices: agrestia poma[4], recens fera[5], aut lac concretum: sine apparatu, sine blandimentis[6] expellunt famem. Adversus sitim non eadem[7] temperantia: si indulseris[8] ebrietati suggerendo quantum [50] concupiscunt, haud minus facile[9] vitiis quam armis vincentur.
24. Genus spectaculorum unum atque in omni cœtu idem: nudi juvenes, quibus id ludicrum[1] est, inter gladios se atque infestas[2] frameas saltu jaciunt. Exercitatio artem paravit, ars decorem, non in quæstum[3] tamen aut mercedem: quamvis[4] audacis lasciviæ pretium est voluptas spectantium. Aleam, quod mirere, sobrii inter seria[5] exercent, tanta lucrandi perdendive temeritate[6], ut, cum omnia defecerunt, extremo ac novissimo[7] jactu de libertate ac de corpore contendant. Victus voluntariam servitutem adit: quamvis juvenior, quamvis robustior, [51] alligari se ac venire[8] patitur. Ea est[9] in re prava pervicacia; ipsi fidem vocant. Servos conditionis hujus per commercia[10] tradunt, ut se quoque[11] pudore victoriæ exsolvant.
25. Ceteris[1] servis non in nostrum morem[2] descriptis per familiam ministeriis utuntur: suam quisque sedem, suos penates regit. Frumenti modum[3] dominus aut pecoris aut vestis ut colono injungit, et servus hactenus[4] paret. Cetera[5] domus officia uxor ac liberi exsequuntur. [52] Verberare servum ac vinculis et opere[6] coercere rarum: occidere solent, non disciplina et severitate[7], sed impetu et ira, ut inimicum, nisi quod[8] impune est. Liberti non multum supra servos sunt, raro aliquod momentum[9] in domo, nunquam in civitate[10], exceptis dumtaxat iis gentibus quæ regnantur[11]. Ibi enim et super ingenuos et super nobiles ascendunt: apud ceteros impares libertini[12] libertatis argumentum sunt.
26. Fenus agitare[1] et in usuras extendere ignotum; [53] ideoque magis servatur[2] quam si vetitum esset. Agri pro numero cultorum ab universis vicis[3] occupantur, quos mox inter se secundum dignationem[4] partiuntur. Facilitatem partiendi camporum spatia præbent. Arva[5] per annos mutant[6], et superest ager. Nec enim cum ubertate et amplitudine soli labore contendunt[7], ut[8] pomaria conserant et prata separent et hortos rigent: sola terræ seges[9] imperatur. Unde annum quoque ipsum non in totidem[10] digerunt species: hiems et ver et æstas intellectum[11] ac vocabula habent, autumni perinde nomen ac bona ignorantur.
27. Funerum nulla ambitio[1]: id solum observatur, ut [54] corpora clarorum virorum certis lignis crementur[2]. Struem rogi nec vestibus nec odoribus cumulant: sua cuique arma, quorumdam igni et equus adjicitur. Sepulcrum cæspes erigit[3]: monumentorum arduum et operosum honorem ut[4] gravem defunctis aspernantur. Lamenta ac lacrimas[5] cito, dolorem et tristitiam tarde ponunt[6]. Feminis lugere honestum est, viris meminisse.
Hæc in commune[7] de omnium Germanorum origine ac moribus accepimus. Nunc singularum gentium instituta ritusque, quatenus differant, quæ nationes e Germania in Gallias commigraverint, expediam.
28. Validiores[1] olim Gallorum res fuisse summus auctorum[2] divus Julius tradit; eoque credibile est etiam Gallos in Germaniam transgressos[3]. Quantulum enim amnis obstabat quominus, ut quæque[4] gens evaluerat, occuparet permutaretque sedes promiscuas adhuc et nulla[5] regnorum [55] potentia divisas? Igitur[6] inter Hercyniam[7] silvam Rhenumque et Mœnum amnes Helvetii, ulteriora Boii, Gallica utraque gens, tenuere. Manet adhuc Boihæmi[8] nomen significatque loci veterem memoriam, quamvis mutatis[9] cultoribus. Sed utrum Aravisci[10] in Pannoniam ab Osis, Germanorum natione; an Osi ab Araviscis in Germaniam commigraverint, cum eodem adhuc sermone, institutis, moribus utantur, incertum est, quia pari olim inopia ac libertate eadem utriusque ripæ bona malaque[11] erant. Treveri et Nervii circa[12] affectationem Germanicæ originis ultro ambitiosi sunt, tanquam[13] per hanc gloriam sanguinis a similitudine et inertia[14] Gallorum separentur. Ipsam Rheni ripam haud dubie[15] Germanorum populi colunt, Vangiones, Triboci, Nemetes. Ne Ubii quidem, [56] quanquam[16] Romana colonia esse meruerint ac libentius Agrippinenses conditoris sui[17] nomine vocentur, origine erubescunt, transgressi olim et experimento[18] fidei super ipsam Rheni ripam collocati, ut arcerent, non ut custodirentur.
29. Omnium harum gentium virtute præcipui Batavi non multum ex ripa[1], sed insulam[2] Rheni amnis colunt, Chattorum quondam populus et seditione domestica in eas sedes transgressus, in quibus pars Romani imperii fierent[3]. Manet honos et antiquæ societatis insigne[4]: nam nec tributis contemnuntur[5] nec publicanus atterit; [57] exempti oneribus et collationibus et tantum in usum[6] prœliorum sepositi, velut tela atque arma[7] bellis reservantur. Est in eodem obsequio et Mattiacorum gens. Protulit enim magnitudo populi Romani ultra Rhenum ultraque veteres terminos[8] imperii reverentiam. Ita sede finibusque[9] in sua ripa, mente animoque nobiscum agunt; cetera[10] similes Batavis, nisi quod[11] ipso adhuc terræ suæ solo et cælo acrius animantur. Non numeraverim[12] inter Germaniæ populos, quanquam trans Rhenum Danuviumque consederint, eos qui decumates agros[13] exercent. Levissimus quisque[14] Gallorum et inopia audax dubiæ possessionis solum occupavere. Mox[15] limite acto promotisque præsidiis sinus imperii et pars provinciæ[16] habentur.
[58] 30. Ultra hos Chatti[1] initium sedis ab Hercynio saltu[2] inchoant[3], non ita effusis[4] ac palustribus locis, ut ceteræ civitates, in quas Germania patescit: durant siquidem colles, paulatim rarescunt, et Chattos suos[5] saltus Hercynius prosequitur simul atque deponit. Duriora genti corpora, stricti[6] artus, minax vultus et[7] major animi vigor. Multum, ut inter Germanos[8], rationis[9] ac sollertiæ: præponere[10] electos, audire præpositos, nosse ordines[11], intelligere occasiones, differre impetus, disponere diem, vallare [59] noctem, fortunam inter[12] dubia, virtutem inter certa numerare, quodque rarissimum nec nisi Romanæ disciplinæ concessum, plus reponere in duce quam in exercitu. Omne robur in pedite, quem super[13] arma ferramentis[14] quoque et copiis onerant: alios ad prœlium ire videas, Chattos ad bellum. Rari excursus[15] et fortuita pugna. Equestrium sane virium id proprium, cito parare victoriam, cito cedere: velocitas juxta formidinem[16], cunctatio propior constantiæ est.
31. Et aliis Germanorum populis usurpatum[1] raro et privata cujusque audentia apud Chattos in consensum[2] vertit, ut primum adoleverunt, crinem barbamque submittere, nec nisi hoste cæso exuere votivum obligatumque[3] virtuti oris habitum. Super[4] sanguinem et spolia revelant frontem, seque tum demum pretia nascendi retulisse dignosque patria ac parentibus ferunt. Ignavis et imbellibus manet squalor[5]. Fortissimus quisque[6] [60] ferreum insuper anulum (ignominiosum id genti) velut vinculum gestat, donec se cæde hostis absolvat[7]. Plurimis[8] Chattorum hic placet habitus, jamque canent insignes[9] et hostibus simul suisque monstrati. Omnium penes hos initia pugnarum, hæc[10] prima semper acies, visu nova: nam ne in pace quidem vultu mitiore[11] mansuescunt. Nulli domus aut ager aut aliqua cura: prout ad quemque[12] venere, aluntur, prodigi alieni, contemptores[13] sui, donec exsanguis senectus tam duræ virtuti impares[14] faciat.
32. Proximi Chattis certum jam alveo[1] Rhenum quique terminus esse sufficiat[2] Usipi ac Tencteri colunt. Tencteri super[3] solitum bellorum decus, equestris disciplinæ arte præcellunt; nec major apud Chattos[4] peditum laus quam Tencteris equitum. Sic instituere majores, posteri imitantur. [61] Hi lusus infantium, hæc[5] juvenum æmulatio; perseverant senes. Inter[6] familiam et penates et jura successionum equi traduntur; excipit[7] filius, non, ut cetera, maximus natu, sed prout ferox bello et melior[8].
33. Juxta Tencteros Bructeri olim occurrebant[1]: nunc Chamavos et Angrivarios immigrasse narratur[2], pulsis Bructeris ac penitus excisis[3] vicinarum consensu[4] nationum, seu superbiæ odio, seu prædæ dulcedine, seu favore quodam erga nos deorum; nam ne spectaculo[5] quidem prœlii invidere. Super[6] sexaginta millia non armis telisque[7] Romanis, sed, quod magnificentius est, oblectationi oculisque[8] ceciderunt. Maneat, quæso, duretque gentibus, si non amor nostri, at certe[9] odium sui: [62] quando[10], urgentibus[11] imperii fatis, nihil jam præstare fortuna majus potest quam hostium discordiam.
34. Angrivarios et Chamavos a tergo[1] Dulgubnii et Chasuarii claudunt aliæque gentes haud perinde memoratæ[2], a fronte Frisii excipiunt. Majoribus minoribusque Frisiis vocabulum[3] est ex modo virium. Utræque nationes[4] usque ad Oceanum Rheno prætexuntur, ambiuntque[5] immensos insuper lacus et Romanis classibus navigatos. Ipsum quin etiam Oceanum illa[6] tentavimus, et superesse adhuc Herculis columnas[7] fama vulgavit, sive[8] adiit Hercules, seu quicquid ubique magnificum est in [63] claritatem ejus referre consensimus. Nec defuit audentia Druso Germanico[9], sed obstitit Oceanus in se simul atque in Herculem inquiri[10]. Mox[11] nemo tentavit, sanctiusque ac reverentius visum de actis deorum credere quam scire.
35. Hactenus[1] in occidentem Germaniam novimus. In septentrionem ingenti flexu redit[2]. Ac primo statim Chaucorum gens, quanquam[3] incipiat a Frisiis ac partem littoris occupet, omnium quas exposui gentium lateribus obtenditur, donec[4] in Chattos usque sinuetur. Tam immensum terrarum spatium non tenent tantum Chauci, sed et[5] implent, populus inter Germanos nobilissimus, quique magnitudinem suam malit[6] justitia tueri. Sine cupiditate, sine impotentia[7], quieti secretique[8] nulla provocant bella, nullis raptibus aut latrociniis populantur. Id præcipuum[9] virtutis ac virium argumentum est, quod, [64] ut superiores[10] agant, non per injurias assequuntur. Prompta tamen omnibus arma ac, si res poscat, exercitus, plurimum virorum equorumque; et quiescentibus[11] eadem fama.
36. In latere Chaucorum Chattorumque Cherusci nimiam ac marcentem[1] diu pacem illacessiti nutrierunt: idque jucundius quam tutius fuit, quia inter impotentes[2] et validos falso quiescas; ubi manu agitur, modestia ac probitas nomina superioris sunt[3]. Ita qui olim[4] boni æquique Cherusci, nunc inertes ac stulti vocantur; Chattis victoribus, fortuna in sapientiam cessit[5]. Tracti ruina[6] Cheruscorum et Fosi, contermina gens; adversarum rerum ex æquo[7] socii sunt, cum in secundis minores fuissent.
37. Eumdem Germaniæ sinum[1] proximi Oceano Cimbri tenent, parva nunc civitas, sed gloria[2] ingens. Veterisque famæ lata vestigia manent, utraque ripa[3] castra ac spatia[4], [65] quorum ambitu nunc quoque metiaris[5] molem manusque gentis et tam magni exitus fidem[6]. Sexcentesimum et quadragesimum annum[7] Urbs nostra agebat, cum primum Cimbrorum audita sunt arma, Cæcilio Metello ac Papirio Carbone consulibus. Ex quo si ad alterum[8] imperatoris Trajani consulatum computemus, ducenti ferme et decem anni colliguntur. Tam diu Germania vincitur[9]. Medio tam longi ævi spatio multa invicem[10] damna. Non Samnis, non Pœni, non Hispaniæ Galliæve, ne Parthi quidem sæpius admonuere[11]: quippe regno Arsacis[12] acrior est Germanorum libertas. Quid enim aliud nobis quam cædem Crassi, amisso et ipse Pacoro[13], [66] infra Ventidium[14] dejectus Oriens objecerit? At[15] Germani, Carbone et Cassio et Scauro Aurelio et Servilio Cæpione Cn. quoque Manlio fusis vel captis, quinque simul[16] consulares exercitus populo Romano[17], Varum tresque cum eo legiones etiam Cæsari abstulerunt. Nec impune[18] C. Marius in Italia, divus Julius in Gallia, Drusus ac Nero et Germanicus in suis eos sedibus[19] perculerunt. Mox[20] ingentes Gai Cæsaris minæ in ludibrium versæ. Inde otium, donec occasione discordiæ nostræ et civilium armorum[21] expugnatis legionum hibernis, etiam Gallias affectavere[22], ac rursus inde pulsi proximis temporibus triumphati[23] magis quam victi sunt.
[67] 38. Nunc de Suebis dicendum est, quorum non una ut Chattorum Tencterorumve gens; majorem enim Germaniæ partem[1] obtinent, propriis adhuc[2] nationibus nominibusque discreti, quanquam in commune Suebi vocentur. Insigne[3] gentis obliquare crinem nodoque substringere. Sic Suebi a ceteris Germanis, sic Sueborum ingenui a servis separantur. In aliis gentibus, seu cognatione aliqua Sueborum seu, quod sæpe accidit, imitatione, rarum[4] et intra juventæ spatium: apud Suebos usque ad canitiem horrentem capillum retorquent[5], ac sæpe in ipso vertice religant. Principes[6] et ornatiorem habent. Ea cura formæ[7], sed innoxia: neque enim ut ament amenturve, in altitudinem[8] quamdam et terrorem adituri bella comptius[9] hostium oculis ornantur.
39. Vetustissimos se nobilissimosque Sueborum Semnones memorant. Fides[1] antiquitatis religione firmatur. Stato[2] tempore in silvam auguriis[3] patrum et prisca formidine [68] sacram omnes ejusdem sanguinis populi legationibus[4] coeunt, cæsoque publice homine, celebrant barbari ritus horrenda primordia. Est et alia luco reverentia[5]: nemo nisi vinculo ligatus ingreditur, ut[6] minor et potestatem numinis præ se ferens. Si forte prolapsus est, attolli et insurgere[7] haud licitum; per humum evolvuntur. Eoque omnis superstitio[8] respicit, tanquam inde[9] initia gentis, ibi regnator omnium deus, cetera subjecta atque parentia. Adjicit auctoritatem[10] fortuna Semnonum: centum pagi iis habitantur, magnoque corpore[11] efficitur ut se Sueborum caput credant.
40. Contra Langobardos paucitas[1] nobilitat. Plurimis ac valentissimis nationibus cincti non per obsequium, sed prœliis et periclitando[2] tuti sunt[3]. Reudigni deinde [69] et Aviones et Anglii et Varini et Eudoses et Suardones et Nuithones[4] fluminibus aut silvis muniuntur. Nec quicquam notabile in singulis, nisi quod[5] in commune Nerthum[6], id est Terram matrem, colunt eamque intervenire rebus hominum, invehi populis[7] arbitrantur. Est in insula[8] Oceani castum[9] nemus, dicatumque in eo vehiculum veste[10] contectum; attingere uni sacerdoti concessum. Is adesse penetrali[11] deam intelligit vectamque bubus feminis multa cum veneratione prosequitur[12]. Læti tunc dies, festa loca quæcumque adventu hospitioque[13] dignatur. Non bella ineunt, non arma sumunt; clausum omne ferrum; pax et quies tunc tantum nota, tunc tantum amata, donec idem sacerdos satiatam conversatione mortalium deam templo reddat. Mox[14] vehiculum et vestes et, si credere velis, numen ipsum secreto lacu abluitur. Servi ministrant, quos statim idem lacus haurit[15]. [70] Arcanus hinc terror sanctaque ignorantia, quid sit illud quod tantum perituri vident.
41. Et hæc quidem pars Sueborum in secretiora Germaniæ[1] porrigitur. Propior, ut quomodo paulo ante Rhenum[2], sic nunc Danuvium sequar, Hermundurorum civitas, fida Romanis; eoque solis Germanorum non[3] in ripa commercium, sed penitus atque in splendidissima Rætiæ provinciæ colonia[4]. Passim sine custode[5] transeunt; et cum ceteris gentibus arma modo castraque nostra ostendamus, his domos villasque patefecimus non concupiscentibus[6]. In Hermunduris Albis[7] oritur, flumen inclitum et notum olim; nunc tantum auditur.
42. Juxta Hermunduros Naristi ac deinde Marcomani[1] et Quadi agunt. Præcipua Marcomanorum gloria viresque, atque ipsa etiam sedes, pulsis olim Boiis, virtute parta. Nec Naristi Quadive degenerant[2]. Eaque[3] Germaniæ [71] velut frons est, quatenus Danuvio præcingitur. Marcomanis Quadisque usque ad nostram memoriam reges manserunt ex gente ipsorum, nobile Marobodui et Tudri genus[4]; jam et externos patiuntur. Sed vis et potentia regibus ex auctoritate Romana. Raro armis nostris, sæpius pecunia juvantur[5], nec minus valent.
43. Retro[1], Marsigni, Cotini, Osi, Buri terga Marcomanorum Quadorumque claudunt. E quibus Marsigni et Buri sermone cultuque Suebos referunt[2]; Cotinos Gallica, Osos Pannonica lingua coarguit non esse Germanos, et quod tributa patiuntur[3]. Partem tributorum Sarmatæ, partem Quadi, ut[4] alienigenis imponunt. Cotini, quo magis pudeat[5], et ferrum effodiunt. Omnesque hi populi pauca[6] campestrium, ceterum saltus et vertices montium insederunt. Dirimit enim scinditque Suebiam continuum montium jugum[7], ultra quod plurimæ gentes agunt[8], ex quibus latissime patet Lugiorum nomen in plures civitates diffusum. Valentissimas nominasse sufficiet, Harios, [72] Helveconas, Manimos, Helysios, Nahanarvalos. Apud Nahanarvalos antiquæ religionis lucus ostenditur. Præsidet sacerdos muliebri ornatu[9], sed deos interpretatione Romana[10] Castorem Pollucemque memorant: ea vis numini[11], nomen Alcis. Nulla simulacra, nullum peregrinæ superstitionis vestigium; ut fratres tamen, ut juvenes venerantur. Ceterum Harii, super[12] vires quibus enumeratos paulo ante populos antecedunt, truces insitæ feritati arte ac tempore lenocinantur: nigra scuta, tincta corpora; atras ad prœlia noctes legunt; ipsaque formidine[13] atque umbra feralis exercitus terrorem inferunt, nullo hostium[14] sustinente novum ac velut infernum aspectum: nam primi in omnibus prœliis oculi vincuntur. Trans Lugios Gotones regnantur[15], paulo jam adductius[16] quam ceteræ Germanorum gentes, nondum tamen supra libertatem. Protinus deinde ab[17] Oceano Rugii et Lemovii. Omniumque harum gentium insigne[18] [73] rotunda scuta, breves gladii et erga reges obsequium.
44. Suionum hinc civitates, ipso in Oceano[1], præter viros armaque classibus valent. Forma navium eo differt, quod utrinque prora[2] paratam semper appulsui frontem agit. Nec velis ministrant[3] nec remos in ordinem lateribus adjungunt: solutum, ut in quibusdam fluminum[4], et mutabile, ut res poscit, hinc vel illinc remigium. Est apud illos et opibus honos, eoque[5] unus imperitat, nullis jam exceptionibus[6], non precario jure parendi[7]. Nec arma, ut apud ceteros Germanos, in promiscuo[8], sed clausa sub custode, et quidem servo, quia subitos hostium incursus prohibet Oceanus, otiosæ porro[9] armatorum [74] manus facile lasciviunt. Enimvero neque nobilem neque ingenuum, ne libertinum quidem armis præponere regia utilitas est[10].
Suionibus Sitonum gentes continuantur. Cetera[11] similes uno differunt, quod femina dominatur: in tantum non modo a libertate, sed etiam a servitute degenerant.
45. Trans Suionas aliud[1] mare, pigrum ac prope immotum, quo cingi claudique terrarum orbem hinc[2] fides, quod extremus cadentis jam solis fulgor in ortum[3] edurat adeo clarus, ut sidera hebetet. Sonum insuper emergentis audiri[4] formasque equorum et radios capitis[5] adspici persuasio adjicit. Illuc usque, et fama vera[6], tantum natura.
[75] Ergo jam[7] dextro Suebici maris littore Æstiorum gentes alluuntur, quibus ritus[8] habitusque Sueborum, lingua Britannicæ propior. Matrem deum venerantur. Insigne[9] superstitionis formas aprorum gestant: id pro armis omnique tutela securum deæ cultorem etiam inter hostes præstat. Rarus ferri, frequens fustium usus. Frumenta ceterosque fructus patientius quam pro solita Germanorum inertia laborant[10]. Sed et mare scrutantur ac soli omnium sucinum[11], quod ipsi glæsum vocant, inter vada atque in ipso littore legunt. Nec quæ natura quæve ratio gignat[12], ut[13] barbaris, quæsitum compertumve. Diu quin etiam inter cetera ejectamenta maris jacebat, donec luxuria nostra dedit nomen[14]. Ipsis in nullo usu: rude[15] legitur, informe perfertur, pretiumque mirantes accipiunt. [76] Sucum tamen[16] arborum esse intellegas, quia terrena quædam atque etiam volucria animalia plerumque interlucent, quæ implicata humore mox durescente materia clauduntur. Fecundiora igitur nemora lucosque sicut Orientis secretis[17], ubi tura balsamaque sudantur, ita Occidentis insulis terrisque inesse crediderim, quæ vicini solis radiis expressa atque liquentia in proximum mare labuntur ac vi tempestatum in adversa littora exundant. Si naturam[18] sucini admoto igne tentes, in modum tædæ accenditur alitque flammam pinguem et olentem; mox ut in picem resinamve lentescit.
46. Hic Suebiæ finis. Peucinorum Venedorumque et Fennorum nationes Germanis an Sarmatis adscribam dubito, quanquam Peucini, quos quidam Bastarnas vocant, sermone, cultu, sede ac domiciliis[1] ut Germani agunt: sordes omnium[2] ac torpor. Conubiis mixtis[3] nonnihil in Sarmatarum habitum fœdantur. Venedi multum ex moribus[4] traxerunt; nam quicquid inter Peucinos Fennosque silvarum ac montium erigitur latrociniis pererrant. Hi tamen inter Germanos potius referuntur, quia et domos [77] figunt[5] et scuta gestant et pedum usu ac pernicitate gaudent: quæ omnia diversa Sarmatis sunt in plaustro equoque viventibus. Fennis mira feritas, fœda paupertas: non arma, non equi, non penates[6]; victui herba, vestitui pelles, cubile humus. Solæ in sagittis spes, quas inopia ferri ossibus asperant[7]. Idemque venatus viros pariter ac feminas alit: passim[8] enim comitantur partemque prædæ petunt. Nec aliud infantibus ferarum imbriumque suffugium[9] quam ut in aliquo ramorum nexu contegantur. Huc redeunt juvenes, hoc senum receptaculum. Sed beatius arbitrantur quam ingemere agris[10], illaborare domibus, suas alienasque fortunas spe metuque versare: securi adversus homines, securi adversus deos, rem difficillimam assecuti sunt, ut illis ne voto quidem opus esset[11].
Cetera jam fabulosa: Hellusios et Oxionas ora hominum vultusque, corpora atque artus ferarum[12] gerere. Quod ego ut incompertum in medio relinquam.
Abnoba mons, 1, le mont Abnoba, dans la Forêt Noire. Il s’appelle encore aujourd’hui Abenauer Gebirge.
Æstii, 45, les Æstiens, sur la côte orientale de la Baltique. Ce sont les ancêtres des Lithuaniens et des Prussiens.
Africa, 2.
Agrippinenses, 28, les habitants de Cologne (Colonia agrippinensis). C’est le nom que prirent les Ubiens après qu’Agrippine, fille de Germanicus et femme de Claude, eut établi chez eux une colonie.
Albis, 41, l’Elbe, fleuve de Germanie qui se jette dans la mer du Nord.
Albruna, 8, Albruna, prophétesse des Germains.
Alci, 43, les Alci, nom de deux dieux honorés par les Naharvales; Tacite les assimile à Castor et Pollux.
Alpes Ræticæ, 1, les Alpes Rhétiques, ainsi nommées à cause de la province romaine de Rhétie; elles commencent au Saint-Gothard.
Anglii, 40, les Angles ou Angliens, peuplade germanique qui occupait probablement une partie du Sleswig-Holstein.
Angrivarii, 33, 34, les Angrivariens, qui habitaient sur les bords du Weser, au nord des Chamaves et des Chérusques.
Aravisci, 28, les Aravisques, peuplade de Pannonie, sur la rive droite du Danube.
Arsaces, 37, Arsace, fondateur du royaume des Parthes (256).
Asciburgium, 3, Asburg ou Asberg, près du confluent de la Ruhr avec le Rhin.
Asia, 2.
Aviones, 40, les Aviones, qui habitaient probablement les îles qui se trouvent à l’ouest du Sleswig-Holstein.
Bastarnæ, 46, les Bastarnes, peuplade germanique. Les auteurs anciens donnent ce nom, les uns à des Gaulois du Danube, [80] d’autres à des Gètes, d’autres enfin à des Scythes; voyez au mot Peucini.
Batavi, 29, les Bataves; ils appartenaient d’abord à la nation des Chattes. Ils occupèrent plus tard l’île formée par le Rhin et le Wahal.
Boihæmum, 28, la Bohême, du nom de ses premiers habitants les Boïens.
Boii, 28, 42, les Boïens, qui appartenaient à la race celtique. Ils occupaient la Bohême et une partie de la Bavière.
Britannica lingua, 45, la langue celtique parlée dans la Grande-Bretagne.
Bructeri, 33, les Bructères, qui habitaient le bassin de la Lippe jusqu’à l’Ems; ils se divisaient en Bructeri majores et minores.
Buri, 43, les Bures, peuplade de la nation des Suèves, qui habitait vers les sources de l’Oder et du Waag.
Cæcilius Metellus, 37, collègue de Papirius Carbon, fut consul avec lui en 113 avant J.-C.
Cæsar, 37, l’empereur Auguste.
Carbo, 37, le consul Cneius Papirius Carbon qui fut battu par les Cimbres en 113 avant J.-C., non loin de Noreia en Carinthie, vers les sources de la Drave.
Cassius, 37, le consul L. Cassius Longinus, battu en 107 avant J.-C. dans le pays des Allobroges.
Castor Polluxque, 43, Castor et Pollux, les deux fils de Léda, que Tacite identifie avec les dieux Alci des Naharvales.
Chamavi, 33, 34, les Chamaves. Ils habitaient près de l’Yssel et du Zuiderzée.
Chasuarii, 34, les Chasuares, qui habitaient entre le Weser et la Haase.
Chatti, 29, 30, 31, 35, 36, 38, les Chattes, peuplade germanique. Ils habitaient dans le pays des Hessois d’aujourd’hui.
Chauci, 35, 36, les Chauques. Ils habitaient le bassin du bas Weser jusqu’à l’Ems d’un côté et de l’autre jusqu’à l’Elbe.
Cherusci, 36, les Chérusques. Ils habitaient entre le cours supérieur du Weser et l’Elbe au nord-est des Chattes.
Cimbri, 37, les Cimbres, peuplade probablement germanique qui occupait à l’époque de Tacite une partie de la presqu’île danoise: Κιμβρικὴ χερσόνησος.
Cotini, 43, les Cotins, peuplade de race celtique qui habitait au nord de la Hongrie, entre les sources de l’Oder et de la Vistule.
Crassus, 37. Crassus fit partie du triumvirat avec César et Pompée. Il fut vaincu et tué en 53 avant J.-C. dans une bataille contre les Parthes.
Daci, 1. Les Daces, peuplade des Thraces, habitaient les contrées appelées aujourd’hui Moldavie, Roumanie, Valachie, et le sud-est de la Hongrie.
Danuvius, 1, 29, 41, 42, le Danube, fleuve. Dans son cours inférieur il s’appelle aussi Ister (Ἴστρος).
[81] Decumates agri, 29, les champs Décumates, territoire qui se trouvait dans l’angle formé par les cours supérieurs du Danube et du Rhin.
Drusus, 34, 37, Drusus Néron Germanicus, frère de Tibère, fit une expédition contre les Germains 12–9 avant J.-C.; de là son surnom de Germanicus.
Dulgubnii, 34, les Dulgubniens, peuplade de race germanique qui habitait entre les Langobards et les Chérusques, sur les bords de l’Aller (Alara).
Eudoses, 40, les Eudoses, qui appartenaient à la nation des Suèves. Ils habitaient le Jutland.
Fenni, 46, les Finnois d’aujourd’hui. Ils habitaient le nord de la Scandinavie.
Fosi, 36, les Foses. Ils habitaient au sud de l’Aller (Alara). C’est peut-être leur nom qu’on retrouve dans Fosa, petite rivière affluent de l’Aller.
Frisii, 34, 35, les Frisons. Ils habitaient autour du lac Flevo, depuis l’embouchure du Rhin jusqu’à l’Ems.
Gaius Cæsar, 37, l’empereur Caligula (37 à 41 après J.-C.). Après un semblant d’expédition en Germanie, il fit déguiser des Gaulois en Germains pour les faire servir à son triomphe.
Gallia, 5, 27, 37, la Gaule. Elle est nommée aussi Galliæ parce qu’elle se divisait en trois parties.
Gambrivii, 2, les Gambriviens, nation germanique, d’ailleurs inconnue. Ils habitaient probablement les bords de la Ruhr.
Germani, 2, 16, 27, 30, 31, 35, 37, 41, 43, 44, 45, 46, les Germains. Le sens étymologique de ce mot est contesté. On le fait signifier tantôt homme de guerre (War, guerre; Mann, homme), tantôt voisins. On prétend aussi y voir l’équivalent de βοὴν ἀγαθοί (celtique garm, cri).
Germania, 1, 2, 5, 27, 28, 29, 30, 37, 38, 42, la Germanie.
Germanicus, 34, 37. Germanicus, fils de Drusus, combattit les Germains de 14 à 16 après J.-C. et vengea le massacre des légions de Varus.
Gotones, 43, peuple de race germanique qui habitait les bords de la Vistule inférieure jusqu’au Pregel.
Harii, 43, les Hariens, qui habitaient entre les cours supérieurs de l’Oder et de la Vistule.
Hellusii, 46, les Hellusiens, peuple fabuleux qui selon Tacite habitait le nord-est de l’Europe.
Helvecones, 43, les Helvecones, dont le nom s’écrit aussi Helvæones, peuplade des Suèves qui habitait à l’ouest du cours inférieur de la Vistule.
Helvetii, 28, les Helvètes. Selon Tacite ils étaient d’origine celtique et avaient été chassés de [82] leur pays par les Hermondures. César les trouva établis en Suisse.
Helysii, 43, les Helysiens, peuplade des Suèves qui habitaient entre les cours supérieurs de l’Oder et de la Vistule.
Hercules, 3, 9, 34, Hercule. Il semble que cette appellation gréco-romaine désigne le dieu Thor, qui portait lui aussi une massue.
Hercynia silva, 28, la forêt Hercynienne, appelée aussi Hercynius saltus, ch. 30, et par Aristote Ἀρκύνια ὄρη, chaîne de montagnes boisées qui comprenait la Forêt Noire, le Thuringer Wald, le Fichtelgebirge, les monts de Bohême et les autres chaînes qui traversent le sud de l’Allemagne.
Herminones, 2, les Herminones, nom commun à toutes les peuplades du centre de la Germanie.
Hermunduri, 41, 42, les Hermondures, peuplade germanique qui occupait la région du Jura Franconien, entre le Danube, le Mein et les sources de la Saale.
Hispanæ, 37, les Espagnes, ainsi nommées parce que l’Espagne se divisait en citerior (au nord) et ulterior (au sud).
Ingævones, 2, les Ingévones, nom commun aux peuplades germaniques qui habitaient les côtes de l’Océan.
Isis, 9, Isis, déesse égyptienne, dont Tacite prétend retrouver le culte parmi les Germains; c’est peut-être la divinité germanique Nehalennia.
Istævones, 2, les Istévons, nom commun aux peuplades germaniques de la rive droite du Rhin.
Italia, 2, l’Italie.
Julius, 28, 37, Jules César, le vainqueur des Gaules, qui avait décrit la Germanie avant Tacite.
Laertes, 3, Laerte, père d’Ulysse.
Langobardi, 40, les Langobards, peuplade de la nation des Suèves qui habitait entre l’Elbe et l’Oder.
Lemovii, 43, les Lémoviens, peuplade germanique, d’ailleurs inconnue, qui habitait probablement dans la Poméranie.
Lugii, 43, les Lugiens, nom commun à plusieurs peuplades qui habitaient entre l’Oder et la Vistule dans les pays qui forment aujourd’hui la Pologne, la Silésie et la Gallicie.
Manimi, 43, les Manimes, peuplade de la nation des Suèves, qui habitait entre le cours inférieur de la Vistule et de l’Oder.
Manlius, 37, Cn. Manlius ou Mallius, consul en 105 avant J.-C., fut battu par les Cimbres sur les rives du Rhône.
Mannus, 2, Mannus, fils du dieu Tuiston.
Marcomani, 42, 43, les Marcomans (c’est-à-dire habitants des [83] frontières), peuplade germanique qui habita d’abord au sud du Mein et qui chassa ensuite les Boïens de la Bohême.
Marius, 37, Marius, fameux général romain (153–86): il vainquit les Cimbres et les Teutons à Aquæ Sextiæ (Aix) en 102 et à Verceil en 101.
Marobuduus, 42, Marobuduus ou Marbod, roi des Marcomans; il fut battu par les Chérusques commandés par Arminius et dut se réfugier chez les Romains.
Mars, 9, Mars, dieu de la guerre chez les Romains; la divinité germanique que Tacite lui assimile est sans doute Tiu ou Ziu.
Marsi, 2, les Marses, peuple de race germanique qui habitait probablement dans le bassin du Weser.
Marsigni, 43, les Marsignes, peuple de la nation des Suèves qui habitait entre les monts des Géants et l’Oder.
Mattiaci, 29, les Mattiaques. Ils habitaient dans le bassin du Mein, aux environs du Taunus. Les sources qui se trouvent à Wiesbaden au pied du Taunus portaient le nom de aquæ Mattiacæ ou fontes Mattiaci.
Mercurius, 9, dieu gréco-romain. La divinité germanique que Tacite désigne du nom de Mercure est Wodan ou Odin.
Mœnus, 28, le Mein, affluent du Rhin.
Naharvali, 43, les Naharvales, peuplade de la nation des Suèves qui habitait entre l’Oder et la Vistule.
Naristi, 42, les Naristes, peuplade germanique qui habitait entre le Fichtelgebirge et le Danube.
Nemetes, 28, les Nemètes, peuplade germanique qui habitait sur la rive gauche du Rhin, aux environs de Spire.
Nero, 37, Tiberius Claudius Néron, qui fut depuis l’empereur Tibère. Il fit contre les Germains plusieurs expéditions dont la dernière eut lieu en 11 après J.-C.
Nerthus, 40, la déesse Nerthus que Tacite assimile à la Terra Mater.
Nervii, 28, les Nerviens, peuplade d’origine probablement gauloise, mais qui se disait de race germanique. Ils habitaient entre l’Escaut et la Meuse.
Noricum, 5, province du Norique, entre le Danube et les Alpes Carniques.
Nuithones, 40, les Nuithons, peuplade de la nation des Suèves qui habitait probablement à l’est de l’Elbe, au sud de la presqu’île Cimbrique.
Oceanus, 1, 2, 3, 17, 34, 37, 40, 43, 44, l’océan. Dans la Germanie, oceanus septentrionalis désigne tantôt la mer du Nord, tantôt la Baltique. Oceanus exterior, la partie orientale de la Baltique que Tacite suppose prolongée au delà de la Scandinavie que les anciens prenaient pour une île.
Osi, 28, 43, les Oses, peuplade que Tacite semble rattacher aux Pannoniens. Ils habitaient au sud-est des sources de la Vistule.
[84] Oxiones, 46, les Oxions, peuple fabuleux du nord-est de l’Europe.
Pacorus, 37, Pacorus, fils d’Orodès, roi des Perses. Ayant pris parti pour les meurtriers de César, il battit le lieutenant d’Antoine en 40 avant J.-C., mais il fut vaincu et tué l’année suivante par Ventidius.
Pannonia, 5, 28, la Pannonie, qui s’étendait entre la province de Norique à l’ouest, la Save au sud, le Danube au nord et à l’est.
Pannonii, 1, les Pannoniens, habitants de la Pannonie; ceux du nord paraissent avoir été de race celtique; ceux des bords de la Save qui étaient les vrais Pannoniens appartenaient à la race illyrienne.
Parthi, 17, 37, les Parthes, peuple d’origine indo-européenne; leur empire, fondé par Arsace au IIIe siècle avant J.-C., s’étendit à l’ouest jusqu’à l’Euphrate; ils furent souvent en lutte avec les Romains.
Peucini, 46, les Peucins. On désignait sous ce nom une peuplade de Bastarnes qui habitait à l’embouchure du Danube une île appelée Πεύκη.
Pœni, 37, les Carthaginois.
Pollux, 43, voyez au mot Castor.
Ponticum mare, 4, le Pont-Euxin ou mer Noire, dans laquelle se jette le Danube.
Quadi, 42, 43, les Quades, peuplade germanique qui habitait dans la Moravie en s’étendant vers le sud jusqu’au Danube.
Ræti, 1, les Rhètes, habitants de la Rhétie, spécialement sur les deux versants des Alpes dites Rhétiques.
Rætia, 3, 41, la Rhétie, réduite en province romaine sous Auguste (15 avant J.-C.); elle comprenait le Tyrol, la Bavière au sud du Danube et à l’est du Leck.
Reudigni, 40, les Reudignes, peuplade germanique qui habitait à l’est de l’embouchure de l’Elbe.
Rhenus, 1, 2, 3, 28, 29, 34, 41, le Rhin, qui bornait la Germanie à l’ouest.
Rugii, 43, les Rugiens, peuplade germanique qui occupait la Poméranie à l’est de l’embouchure de l’Oder.
Samnis, 37, le Samnite, c’est-à-dire les Samnites qui luttèrent contre les Romains de 343 à 290 et leur infligèrent l’humiliation des Fourches Caudines.
Sarmatæ, 1, 17, 43, 46, les Sarmates, nation slave qui habitait à l’est de la Vistule, peut-être jusqu’au Volga. Ils étaient encore moins connus des Romains que les Germains.
Scaurus Aurelius, 37, général romain qui, envoyé comme [85] lieutenant consulaire contre les Cimbres, fut battu et tué par eux sur les rives du Rhône.
Semnones, 39, les Semnons, peuplade germanique qui habitait entre l’Elbe et l’Oder dans le bassin de la Sprée.
Servilius Cæpio, 37, proconsul romain qui fut battu par les Cimbres près d’Orange en 105 avant J.-C.
Sitones, 44, 45, les Sitones qui habitaient en Suède sur les côtes du golfe de Botnie.
Suardones, 40, les Suardons, peuplade de la nation des Suèves qui habitait entre l’Elbe et l’Oder, dans le Mecklembourg.
Suebi, 2, 9, 38, 45, les Suèves, peuple de race germanique. Ils habitaient un vaste territoire dont les limites sont mal connues, probablement entre le Danube, l’Elbe, l’Oder et la Baltique (mare suebicum).
Suebia, 43, 46, la Suévie, pays des Suèves; voir au mot précédent.
Suebicum mare, 45, la mer des Suèves, c’est-à-dire la Baltique.
Suiones, 44, 45, les Suiones, peuplade germanique qui habitait le sud de la Scandinavie et peut-être les îles de l’embouchure de l’Oder. Ce sont probablement les ancêtres des Suédois.
Tencteri, 32, 38, le Tenctères, peuplade germanique qui habitait sur la rive droite du Rhin, entre la Ruhr et la Lahn.
Trajanus, 37, Trajan, empereur romain contemporain de Tacite, qui régna de 98 à 117 ap. J.-C.
Treveri, 28, les Trévires, qui habitaient sur les deux rives de la Moselle; leur nom est resté à la ville de Trèves (Augusta Treverorum). Le fond de la population était probablement celtique, mais absorbé par des conquérants germains.
Triboci, 28, les Triboques, peuplade germanique qui habitait sur la rive gauche du Rhin, dans les Vosges, jusqu’à Strasbourg.
Tuder, 42, Tuder, roi des Quades ou des Marcomans, d’ailleurs inconnu.
Tuiston, 2, divinité germanique que les Germains reconnaissaient pour leur ancêtre (cf. Tuisto et Deutsch).
Tungri, 2, les Tongres, peuplade germanique qui habitait sur la rive gauche de la Meuse autour de la ville de Tongres.
Ubii, 28, les Ubiens, peuplade germanique. Ils habitèrent d’abord sur la rive droite du Rhin, Agrippa les fit passer sur la rive gauche. Leur ville (oppidum Ubiorum) fut appelée Colonia Agrippinensis (Cologne) lorsque Agrippine, femme de l’empereur Claude, y eut fondé une colonie romaine.
Ulysses, 3, Ulysse, qui, après la guerre de Troie, avait, selon la légende, abordé dans bien des pays et peut-être en Germanie.
Usipi, 32, les Usipes, peuplade germanique qui occupait la rive droite du Rhin, au nord de la Ruhr.
Vandilii ou Vandalii, 2, les Vandales, peuplade germanique qui habitait au nord-est de la Germanie entre l’Oder et la Vistule. Ils changèrent d’ailleurs plusieurs fois de séjour.
Vangiones, 28, les Vangions, peuplade germanique qui occupait la vallée du Rhin autour de Worms.
Varini, 40, les Varins, peuplade germanique de la famille des Suèves qui occupait le nord du Sleswig et le sud du Jutland.
Varus, 37, Quintilius Varus, général romain, lieutenant de l’empereur Auguste, qui fut battu par Arminius et massacré avec ses légions dans la forêt de Teutberg (Teutoburgerwald) en l’an 9 après J.-C.
Veleda, 8, fameuse prophétesse de la nation des Bructères. Elle prit part à la révolte de Civilis et des Bataves; plus tard elle fut amenée à Rome pour orner un triomphe.
Venedi, 46, les Venèdes, peuple slave qui habitait à l’est du cours inférieur de la Vistule.
Ventidius, 37, P. Ventidius Bassus, lieutenant d’Antoine qui vainquit et tua Pacorus, roi des Parthes. Voyez le Commentaire.
Vespasianus, 8, Vespasien, empereur romain de 69 à 79, le premier des Flaviens.
TYPOGRAPHIE FIRMIN-DIDOT ET Cie. — MESNIL (EURE).
— Note de transcription détaillée —
Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été silencieusement corrigées.
Cette version électronique comporte les corrections suivantes:
En page 83, l’ortographe «Marobuduus» semble être une erreur pour «Maroboduus»; la seconde forme apparaît une fois en page 71, note 4. L’ortographe du livre a toutefois été conservée.
Quand ils manquaient, les accents ont été ajoutés aux lettres capitales.
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